Soutra Chanda

 

Voici ce que j’ai entendu :

En ce temps-là, plusieurs vénérables moines vivaient ensemble au Parc des Cerfs à Isipatana dans la ville de Vārānasī. Le Bouddha venait d’entrer en nirvana depuis peu de temps.

 

Un matin, le bhikshu Chanda revêtu de sa robe, tenant son bol, entra dans la ville de Vārānasī pour mendier sa nourriture. Après avoir reçu sa nourriture et pris son repas de midi, le bhikshu rangea sa robe et son bol, se lava les pieds. Tenant sa clé, il alla de forêt en forêt, de cabane en cabane, d’allée de méditation en allée de méditation. Où qu’il aille, le bhikshu s’adressait [ainsi] aux Vénérables moines :

- Chers Vénérables, s’il vous plaît, enseignez-moi, parlez-moi du Dharma pour m’aider à comprendre les enseignements du Bouddha, à les voir, ainsi je comprendrais vraiment le Dharma et le contemplerais correctement.

 

Alors, les Vénérables moines lui répondaient :

- Le corps est impermanent. La sensation, la perception, la formation mentale et la conscience sont également impermanents. Toutes les formations sont impermanentes. Tous les phénomènes sont dépourvus de soi et le nirvana est la paix et le calme.

 

Le bhikshu Chanda dit aux Vénérables moines :

- Je sais déjà que le corps est impermanent, que la sensation, la perception, les formations mentales et la conscience sont également impermanents. Je sais que toutes les formations sont impermanentes, que tous les phénomènes sont dépourvus de soi et que le nirvana est la paix et le calme. Mais je ne suis pas satisfait [d’entendre] que toutes les formations sont vides, qu’elles sont insaisissables et que le nirvana n’est possible qu’avec la cessation des désirs. S’il en est ainsi, alors y-a-t-il un soi (un sujet) qui connaît vraiment [la vérité], voit vraiment [la vérité], pour que l’on puisse dire « voir le Dharma »?

 

Le bhikshu Chanda répéta 2 fois puis 3 fois cette question. Il se demanda, alors : « Parmi ces Vénérables moines, qui est capable de m’enseigner et de m’aider à connaître et à voir le Dharma ? » Puis il pensa : « Le Vénérable Ānanda réside actuellement dans le Parc Ghosita à Kosambi. Il était proche du Bouddha, il était son intendant. Le Bouddha le complimentait et tous les moines chastes le connaissent. Ce Vénérable moine est certainement capable de m’enseigner et de m’aider à connaître et à voir le Dharma. »

 

Le bhikshu se reposa et dormit jusqu’au lendemain. Le matin, revêtu de sa robe et tenant son bol, il entra dans la ville de Vārānasī pour mendier la nourriture. Après avoir reçu sa nourriture et terminé son déjeuner, il rangea son lit. Après l’avoir rangé, revêtu de sa robe et tenant son bol, il prit le chemin de Kosambi. Étant passé par plusieurs étapes, il arriva, posa sa robe et son bol, se lava les pieds et se rendit à l’endroit où le Vénérable Ananda résidait. L’ayant salué, il s’assit sur le côté. Il demanda alors au Vénérable Ānanda :

 

- Cher Vénérable, quand plusieurs Vénérables moines demeuraient au Parc des Cerfs à Isipatana, dans la ville de Vārānasī, un matin, revêtu de ma robe et tenant mon bol, j’entrais dans la ville de Vārānasī pour mendier ma nourriture. Après l’avoir reçu et pris mon repas de midi, je rangeais ma robe et mon bol, me lavais les pieds. Tenant ma clé, j’allais de forêt en forêt, de cabane en cabane, d’allée de méditation en allée de méditation. Où que j’aille, quand je rencontrais les Vénérables moines, je leur demandais de m’enseigner et de me transmettre le Dharma pour m’aider à connaître et à voir les enseignements du Bouddha. Alors, les Vénérables moines m’enseignaient en disant que le corps est impermanent que la sensation, la perception, la formation mentale et la conscience le sont également, que toutes les formations sont impermanentes et tous les phénomènes sont dépourvus de soi et que le nirvana est la paix et le calme. A ce moment-là, je leur disais : « Je sais déjà que le corps est impermanent, que la sensation, la perception, les formations mentales et la conscience le sont également. Je sais que toutes les formations sont impermanentes, que tous les phénomènes sont dépourvus de soi et que le nirvana est la paix et le calme. Mais je ne suis pas satisfait d’entendre que toutes les formations sont vides, qu’elles sont insaisissables et que le nirvana n’est possible qu’avec la cessation des désirs. S’il en est ainsi, alors y-a-t-il un soi (un sujet) qui connaît vraiment [la vérité], voit vraiment [la vérité], pour que l’on puisse dire « voir le Dharma » ? » Alors je me suis demandé : « Parmi ces Vénérables moines, qui est capable de m’enseigner et de m’aider à connaître et voir le Dharma ? » Puis j’ai pensé que le Vénérable Ānanda résidait actuellement dans le Parc Ghosita à Kosambi, qu’il avait été proche du Bouddha, qu’il avait été son intendant, que le Bouddha le complimentait et que tous les moines chastes le connaissaient. Ce Vénérable moine est donc certainement capable de m’enseigner et de m’aider à connaître et voir le Dharma.

 

« Cher Vénérable Ānanda, maintenant, enseignez-moi s’il vous plaît, et aidez-moi à connaître et voir le Dharma. »

 

Le Vénérable Ānanda répondit alors à Chanda :

- Formidable, Chanda, je suis très content, je suis heureux pour vous parce que vous êtes capable de vous tenir devant les moines chastes, sans cacher [ce que vous avez dans le cœur], pour chercher à enlever les épines des illusions [en vous]. Chanda, les êtres ordinaires et ignorants sont incapables de comprendre que le corps est impermanent, que la sensation, la perception, la formation mentale et la conscience le sont. Ils ne savent pas que toutes les formations sont impermanentes, que tous les phénomènes sont dépourvus de soi et que le nirvana est la paix et le calme.

 

« Comme vous êtes capable de recevoir les enseignements profonds, maintenant, écoutez-moi attentivement, c’est pour vous que je vais partager. »

 

A ce moment-là, Chanda pensait : « J’ai une telle joie, un tel sentiment extraordinaire de me rendre compte que je peux de recevoir le Dharma merveilleux. »

 

Le Vénérable Ānanda dit à Chanda :

- J’ai entendu directement le Bouddha enseigner au Vénérable Mahakatyayana de la manière suivante : « Les gens du monde ont souvent tendance à s’attacher aux deux extrêmes : la vue de l’être et la vue du non être. Parce qu’ils sont pris dans les mondes [des personnes qui perçoivent], il y a de l’attachement dans leur esprit. Quand une personne ne reçoit [rien], ne saisit [rien], ne se tient pas dans l’attachement, ne s’accroche pas à un soi, alors cette personne verra que quand [les conditions de la souffrance] sont suffisantes, la souffrance naît, quand [les conditions de la souffrance] cessent, la souffrance cesse [sans avoir besoin d’un soi et les notions être et non être ne peuvent pas s’y appliquer. Et puis Katyayana [ayant compris cela], ces personnes n’ont plus aucun doute et ne sont plus [manipulés] par la souffrance. Cette vue n’est transmise par personne. Elle est le fruit de leur propre réflexion. C’est ce que l’on nomme la vue juste, ce dont le Tathāgatha a parlé.

 

« Pourquoi cela, Katyayana ? Quand une personne contemple correctement la manifestation du monde, elle ne fait pas naître la notion du non être et quand elle contemple correctement la dissolution du monde, elle ne fait pas naître non plus la notion de l’être. Katyayana, le Tathāgatha abandonne ces deux notions extrêmes et enseigne la Voie du milieu. Ce qui signifie, cela étant, cela est, ceci naît parce que cela naît, à cause de l’ignorance, il y a la formation, etc. et ce, jusqu’à la naissance, la vieillesse, la mort, la tristesse, les peines. C’est la formation de la souffrance. Cela signifie que ceci n’est pas parce que cela n’est pas, ceci cesse parce que cela cesse, grâce à la cessation de l’ignorance, la formation cesse, et ce jusqu’à la naissance, la vieillesse, la maladie, la mort, la tristesse, les peines. C’est la cessation de la souffrance. »

 

Pendant que le Vénérable Ānanda enseignait, le bhikshu Chanda parvint à l’état libre de toute souffrance et il réalisa la vision pure. Il vit le Dharma, réalisa le Dharma, connut le Dharma, le fit prospérer et se libéra de tout doute. Sa vision ne fut transmise par personne. Avec les enseignements du grand maître, il accéda à l’état de non peur. Les mains jointes, il dit respectueusement au Vénérable Ānanda :

 

- C’est vrai, vous êtes vraiment un pratiquant chaste, un ami sage, un enseignant capable d’instruire, de guider et d’enseigner [merveilleusement]. Maintenant que j’ai entendu vos enseignements, j’ai vu que tous les phénomènes sont complètement vides, calmes et silencieux de nature, insaisissables. C’est seulement en ayant abandonné tout désir et tout attachement que l’on accède à la paix et au silence complet qui est le nirvana. A ce moment-là, notre esprit est paisible et heureux, il s’établit dans la liberté sans retour, sans plus voir le soi mais seulement le Dharma véritable.

 

Le Vénérable Ānanda dit au bhikshu Chanda :

- Vous avez réalisé maintenant le grand bénéfice sain, vous avez obtenu l’œil de la sagesse des êtres nobles, des enseignements profonds du Bouddha.

 

Les deux grands êtres furent heureux l’un pour l’autre. Ils se levèrent et retournèrent à leur monastère.

 

Samyukta Agama n°262